samedi 24 mai 2008

Un cadre à remplir

C'est ce qu'est la laïcité, si on veut bien considérer ceci : une fois qu'elle est instaurée dans un pays, tout reste à faire en termes de relations entre les différentes communautés de pensée.

Sans laïcité, le schéma peut se résumer ainsi : il y a une pensée (religieuse ou non) autorisée et institutionnalisée, les autres sont au mieux tolérées, au pire persécutées. Les rapports sociaux sont donc conditionnés car ils sont sous-tendus par cet apriori légal. Ils s'organisent souvent de la manière suivante :
Lorsqu'on est membre de la pensée reconnue, soit on est d'accord avec la situation, et on traite les autres en subalternes, ou même on les ignore, voire on les persécute ; soit on n'est pas d'accord avec cette situation, on agit pour que les autres voient leur reconnaissance ou leur situation évoluer favorablement au regard du droit.
Lorsqu'on n'est pas membre de la pensée reconnue, en général, on éprouve vis-à-vis des autres "non-reconnues" une sorte de solidarité de minorité. Les rapports sociaux s'en trouvent souvent facilités entre ces communautés. Deux exemples : les protestants et les juifs dans la France du XVIII°, ou aujourd'hui (en caricaturant et bien que ces catégories ne soient pas toutes les deux religieuses) les Kabyles musulmans (minorité sociale) et les chrétiens (minorité religieuse) en Algérie.
Bref les rapports sociaux sont assez conditionnés par la situation législative vis-à-vis de la religion.

En régime de laïcité, toutes les familles de pensée sont autorisées, et théoriquement traitées à l'égal les unes des autres.
Le "théoriquement" force à se poser des questions et à examiner ce qui se passe sur le terrain. Et là, en France, on s'aperçoit que des inégalités subsistent, qui mettent à part certains types de pensée religieuse, stigmatisées à cause de caricatures médiatisées : pour faire court, l'islam, et dans une moindre mesure, le protestantisme évangélique (je laisse de côté la question plus complexe de ce qu'il est courant d'appeler les sectes). Le facteur qui conditionne les rapports sociaux est ici un facteur médiatique pour une large part, qui alimente les peurs de la différence (Un certain nombre d'émissions sur France Inter récemment, en particulier lors de la journée de la diversité le 21 mai, ont bien souligné combien de nombreux clichés médiatiques polluaient les rapports sociaux).
Or le refus de la différence, ce n'est ni plus ni moins que du racisme. La réponse au racisme n'est pas dans plus ou moins de laïcité, ou dans une laïcité ouverte ou fermée ou de quelque sorte que ce soit, elle est — et c'est du long terme — dans l'éducation civique, et dans l'effort individuel fourni par chacun (le pléonasme est volontaire) pour accepter de vivre avec quelqu'un de différent à ses côtés.

En résumé, la laïcité permet la coexistence harmonieuse, elle ne l’implique pas : quand le cadre est posé, le tableau reste à peindre, quand la possibilité est donnée, l’action reste à mener.

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